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Entretien exclusif du Ministre Kolongele Eberande dans le magazine cio-mag.

Entretien exclusif du Ministre Kolongele Eberande dans le magazine cio-mag.

"En termes d’innovation, la RDC a beaucoup à donner et à recevoir” – Pr. Dr. Désiré-Cashmir Kolongele Eberande

Pour diversifier son économie, la RDC mise aujourd’hui sur d’autres atouts que ses matières premières. Sous l’impulsion de Son Excellence Monsieur le Président de la République Démocratique du Congo Félix Antoine Tshisekedi, le pays veut se transformer en hub numérique, et faire du digital l’un des piliers de sa croissance. Pour mener à bien cette mission colossale, le chef de l’État a créé en avril 2021 un nouveau ministère, dédié au numérique. A la tête de ce Ministère, Le Professeur Dr. Désiré-Cashmir Kolongele Eberande, le Ministre fait le point pour CIO Mag, sur les chantiers et les perspectives.

Monsieur le ministre, vous avez été nommé à la tête du tout nouveau ministère du numérique. En quoi ce secteur est-il une priorité pour le pays ?

Utiliser la matière grise pour enlever au pays sa dépendance aux matières premières est une résolution du Plan national du numérique, adopté par le Président de la République lors de son accession au pouvoir, en 2019. L'idée est d’utiliser le numérique à bon escient, pour accroître les recettes du pays. Même sans aller chercher la plus-value, le digital peut nous permettre d’augmenter nos revenus. En effet, nous n’arrivons pas, pour l’instant, à collecter efficacement les impôts, et en cela, l’outil numérique peut nous aider à maximiser les recettes par la dématérialisation du processus de paiements des taxes et impôts dues à l’État. Pour ce faire, nous comptons sur les applications bien spécifiques, sur les bases de données, sur l’identification nationale pour les personnes physiques et les entreprises, etc. L’objectif est de mettre en place une traçabilité afin que les contributions soient collectées directement.

Ensuite, nous devons miser sur l’innovation, pour sortir de la dépendance envers les mines. Celles-ci vont s’épuiser un jour ! Nous devons ainsi parier sur les services plutôt que sur l’exploitation minière. N’oublions pas que les grandes fortunes du monde aujourd’hui sont des prestataires de services, la RDC ne doit pas faire l’impasse sur ce secteur.

Lorsqu’on parle d’innovation, il est essentiel d’évoquer les startups. En termes d’écosystème entrepreneurial, où en est la RDC ?

Aujourd’hui, nous avons beaucoup à donner et à recevoir. Nous avons à donner le génie de notre peuple, les startups ont développé des applications très pragmatiques, qui servent à nos populations, et nous l’avons vu tout particulièrement ces deux dernières années en pleine crise sanitaire. Mais ces jeunes entreprises ont parfois du mal à se développer à cause de contraintes d’ordre financier et technique, notamment en termes d’encadrement et de mentorat, et elles souffrent d’un manque de visibilité. Pour remédier à cela, nous devons encourager les échanges avec l’international, afin que ces initiatives soient soutenues, car elles sont porteuses de beaucoup d'espoir pour notre pays.

Nous pouvons tout à fait mettre en place des partenariats Gagnant-Gagnant. Nos startups ont besoin de formation pour se développer rapidement. Les banques doivent accepter de mettre la main à la patte. Ces jeunes entrepeneurs ont besoin de facilités pour accéder aux financements du secteur bancaire. C’est d’ailleurs l’un des Objectifs de développement durable défini par l’ONU « Favoriser l’accès de tous à l’innovation technologique. » Aujourd’hui, les structures d’accompagnement existent, notamment à l’international, mais elles ne connaissent pas nos startups. D’où l’importance de porter leur voix à l'extérieur des frontières.

Quelles sont les mesures immédiates à mettre en œuvre pour développer le secteur du numérique ?

Avant de concrétiser les projets, il s’agit déjà de faire l’Etat des lieux et de créer les conditions qui faciliteront les échanges. Nous devons comprendre les forces et faiblesses du numérique en RDC pour déterminer les usages applicatifs dont nous avons besoin.

Il nous faut partir de la vision, pour établir le cadre. En 2019, le président a constaté que le pays n’avait pas encore effectué le bond vers les nouvelles technologies. Depuis son arrivé, il œuvre à mettre en place les prérequis pour opérer cette révolution dans notre pays. Tout d’abord, le Plan national du numérique constitue un état des lieux et des actions prioritaires à mener. Il définit le cadre institutionnel pour porter la transition, et c'est sur cette base qu’a été créé le ministère du numérique. Notre rôle est donc désormais de définir un cadre légal, fiscal, économique et financier pour permettre le développement du numérique en RDC et l’éclosion des startups.

D’ores et déjà, nous avons entamé un grand chantier, celui de doter le pays d’un Code du numérique qui comportera notamment les livres sur des activités et services numérique, des écrits et outils éléctroniques, des prestataires de service de confiance, du commerce et des échanges éléctronique, de la protection des données à caractère personnel, de la cybersécurité et de la cybercriminalité. Par ailleurs, le Start-up Act aidera à promouvoir le développement des entreprises innovantes. Ensuite, nous devons réfléchir autour des mécanismes financiers pour accompagner ces startups.

Conscient que nous ne pourrons, à nous seul, assurrer ce pan essentiel, nous sommes ouverts aux partenariats public-privé pour développer le numérique. Là encore, il faut un cadre légal pour créer l’écosystème, un environnement favorable à l’investissement dans ce secteur. Au-delà du juridique et du financier, il est essentiel d'améliorer le climat des affaires.

Pour mettre en place l’ensemble de ces projets, une feuille de route du gouvernement contenant le chronogramme d'exécution, le budget et le mécanisme de financement des projets sur la santé, l'identité numérique, la FinTech, l'éducation et la dématérialisation de l'administration publique a été adoptée le 25 juin, à l'issue d'un atelier sur le programme de transformation numérique de la RDC. Celle-ci sera bientôt soumise au conseil des Ministres pour adoption envue de sa mise en œuvre.

Le développement de l’économie numérique ne peut se faire sans le recours à des infrastructures de qualité pour l’ensemble des populations et des territoires et la RDC souffre d’un grand retard dans ce domaine. Cependant, celles-ci dépendent du ministère des Postes et des Télécommunications. Pourquoi séparer les deux ministères ?

Nous misons sur un numérique inclusif. Pour l’instant, nous observons une cassure entre les milieux ruraux et urbains. C'est pourquoi il est dans les priorités de déployer les infrastructures pour atteindre une couverture pays à grande échelle. Si nous misons sur la fibre optique, moyen le plus sûr de déployer la connectivité, n’oublions pas que les sociétés de télécoms sont frileuses, et ne voient pas forcément l’intérêt de se déployer dans les zones où la rentabilité ne serait pas garantie. Ainsi, l’Etat déploie des solutions alternatives, une couverture satellitaire par exemple, avec des bornes wifi, pour atteindre les zones blanches.

Le Ministère des Télécommunications est en charge de déployer ces infrastructures. Mais au-delà de ce point crucial, il faut penser aux infrastructures numériques : la création des data center, des clouds national, des bases de données, des applicatifs, des plateformes d’édutech ou de e-santé...tout ceci relève de notre compétence. Nous sommes sur les services et l’immatériel.

Quelles sont vos priorités pour ce ministère ?

Pour concrétiser la vision du chef de l’Etat, nous souhaitons mettre en place plusieurs projets, tout en tenant compte de l’échéance de 2023. Le premier concerne la modernisation de l’Etat. Nous devons créer des logiciels pour faciliter les échanges dans toute l’administration au niveau étatique et constituer une base de données de l’identification des citoyens. Celle-ci doit être opérationnelle avant 2023. Ensuite, les transactions doivent être numérisées, grâce à des applications fin-tech. Ceci nous permettra de mieux collecter les taxes et impôts pour maximiser nos recettes. C’est aussi un instrument de lutte contre la corruption. A titre d’exemple nous pouvons citer les cadastres miniers, fonciers, forestiers, qui sont générateurs de beaucoup de ressources que l’Etat ne capte pas à l’heure actuelle. Nous devons mettre en place les dispositifs qui permettent de savoir qui est propriétaire de quoi et en temps réel.

Enfin, nous souhaitons miser sur deux secteurs prioritaires. Le numérique doit être au service de la santé, permettre l’établissement des diagnostics pour que l’ensemble de la population puisse accéder aux soins. Car lorsqu’on manque d’infrastructures techniques, le numérique est la solution. Enfin, l’éducation constitue la priorité, et c’est la une conséquence que nous pouvons tirer de la pandémie.

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